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Roland dans tous ses états
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Roland dans tous ses états
29 mai 2019

Portrait de Campagne : La Reine et le petit déjeuner

 

 

Elle est jeune, la peau sombre, et se prétend Reine en Afrique du Sud. Ce qui est vrai c’est qu’elle est bilingue et qu’elle peut parler l’Anglais comme le Français.

 

Elle mange beaucoup de sucreries, bonbons. Elle est obèse. Elle dit qu’elle a quarante kilos à perdre. Un jour où j’ai eu droit à mon petit déjeuner en horaire décalé du fait d’un examen médical qui tôt le matin m’avait éloigné du Service, que j’avais eu un peu plus que la ration habituelle et que l’on m’avait fait manger dans le « salon », elle a fondu vers moi pour me demander si je pouvais lui donner quelque chose à manger. Pour une fois que j’aurais pu manger à ma faim …

 

Car d’ordinaire nous n’avions droit que cinq tranches de pain plus ou moins fines par table de quatre. Pas même de quoi étaler la petite plaquette de beurre et la mini portion individuelle de confiture à premier prix. La cinquième tranche était pour qui se hâtait ou osait le premier s’en emparer. Il était parfois possible d’obtenir un petit supplément de tranches, soit qu’elle fussent prélevées sur la dotation du jour, soit récupérées sur les tables où elles n’avaient pas été mangées. Il fallait demander, car nous n’avions pas le droit de nous déplacer durant les repas. Cela dépendait des soignants qui étaient de service. Quand c’était Hervé, il n’était pas rare qu’il refusât une rallonge et qu’en fin de service le reste de pain parte aux ordures.

je crois qu’il voulait en cette occasion comme en d’autres bien marquer qu’il était le patron.

La Reine avait, me semblait-il, droit à une ration plus généreuse.

Le lait était servi en briques cartonnées, passées au four à micro ondes et déposées telles quelles à raison d’une par table voire moins que cela. Il en était d’ailleurs de même pour la soupe du soir : briques de carton réchauffées.

 

Les quatre soignants nous incitaient à manger rapidement, servant et desservant au plus vite afin sans doute d’être libérés au plus vite de leur tâche. Aucune nourriture ne devait être consommée ailleurs qu’au réfectoire. Les portes d’accès aux chambres et au jardin et même aux toilettes - car l’on aurait pu y jeter ses médicaments - étaient verrouillées durant les vingt minutes que durait le repas ; qui ne voulait y participer devait attendre dans le « salon » où ils pouvaient être surveillés, au travers de la baie vitrée.

 

Avant de quitter la table, chacun devait déposer assiette et verre sur un charriot, les couverts dans une barquette de plastique blanc où ils étaient théoriquement comptés avant que l’on quitte les lieux et nettoyer son quart de table à l’aide de gants de toilette déposés le matin dans un demi seau d’eau froide, qui n’était pas renouvelée jusqu’au soir. Puis il fallait hisser sa chaise sur la table, pour faciliter le balayage. Il semblait tacitement admis que deux patients à la forte personnalité ne le fissent jamais : Nicolas, anorexique, à qui l’on permettait par ailleurs de choisir la nourriture disponible qu’il désirait, quitte à ce qu’il avale à la suite quatre rations de beurre sans pain, et Greg, dont la violence potentielle lui procurait quelques licences. je m’occupais du nettoyage de sa place en remerciement des soirées musicales où j’étais admis ; il ne l’a jamais su.

 

La journée d’hôpital était facturée à la Sécurité Sociale autour de cinq cents euros.

 

Unknown

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