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Roland dans tous ses états
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Roland dans tous ses états
18 octobre 2015

Le grand voyage de la vie, Tiziano Terzani

 

 

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Editions Points pour la traduction en Français

 

Un homme atteint d’une maladie dont il sait ne pas pouvoir guérir, à l‘automne de sa vie, raconte sa vie à son fils au fil des rendez-vous quotidiens qu’ils se sont donnés durant les derniers mois de son existence, dans un dialogue vivant et mettant en jeu les questions essentielles telles que le pouvoir, l’amour, l’amitié, l’argent, la politique, l’histoire, dans un style enlevé non dénué d’humour.

 

Enfant issu d’une famille pauvre d’un faubourg de Florence qui le dimanche allai(t) regarder les riches en train de manger une glace, puis devenu un reporter atypique pour un grand journal allemand qui lui laisse la plus grande liberté pour travailler dans le Vietnam en guerre, au Cambodge sous les Khmers rouges, dans la Chine de Mao dont il a appris la langue, comblé par sa réussite professionnelle et la fondation d’une famille, avant de s’être retiré un temps dans l’Inde Himalayenne en quête du vrai sens de la vie, il attend maintenant et avec sérénité la dernière étape de son existence, dont la mort fait partie intégrante, dans une cabane dans sa propriété au haut d’une vallée de Toscane.

 

Un récit qui dégage de l’émotion et une leçon de sagesse, outre qu’il donne à lire sur les événements de l’Histoire un point de vue souvent très éloigné de ceux exprimés majoritairement par les media les plus en vue, et avec un recul distancié sur les splendeurs et misères des métiers de journaliste et de photographe qu’il a exercés durant plusieurs décennies.

 Terzaniviaggio7

 

*

 Extraits (les titres en sont de ma main)

Sur le pouvoir :

Et puis, ce sentiment du devoir, que j'avais toujours sur les épaules, j'ai toujours trouvé beau ce qu’a dit Martin l'autre jour, que j'avais un sens de la moralité. Mais ce n'était pas moi … C'était qu'il n'y avait rien de plus important dans ma vie, qu'il n'y avait rien de plus grand... Tu sais, je suis quelqu'un qui n'a jamais fait de compromis. Je n’en ai peut-être jamais eu vraiment besoin, mais j'avais une répulsion pour les compromis, et si tu veux appeler moralité ce type de comportement, alors, d'accord. J'ai fait mon métie exactement comme si c'était une mission religieuse, en fin de compte, sans jamais céder à des pièges faciles.

Lorsqu'on fait ce métier, frayer avec le pouvoir est nécessaire, indispensable. Tout type de pouvoir : le pouvoir assassin, le pouvoir juste, le pouvoir... Le pouvoir. Parce que c'est ce qui détermine le sort du monde et toi, tu es là en train de décrire ce destin, et tu dois aller voir le pouvoir pour lui demander ce qu'il en est.

Eh bien, je ne me suis pas levé un matin en faisant un voeu, je ne suis pas arrivé à ce sentiment en puisant sur les observations des autres, Mais j'ai toujours éprouvé une répulsion pour le pouvoir. Dans le fond, je suis peut-être un anarchiste. Dès que je vois un un président, un ministre, un général, avec leur air arrogant, avec leur pilule qu’ils veulent nous faire avaler, j’ai toujours un sentiment de dégoût. Instinctivement, je suis toujours resté à distance du pouvoir. Vraiment à distance. Et maintenant, je vois au contraire beaucoup de jeunes qui jubilent, qui frétillent à l'idée d'être près du pouvoir, de tutoyer le pouvoir, de coucher avec le pouvoir, de dîner avec le pouvoir, pour en tirer du prestige, de la gloire, voir e des informations. Ca, moi, je ne l’ai jamais fait. Tu peux, en effet, dire que c'est une forme de moralité.

Page 362 

 De la vie et de la mort

Oui, tu vois, on commence à mourir à partir du moment où l'on naît. Quand on est jeune, on pense que la mort appartient aux autres. Mais si, dès l'enfance, on apprenait que la mort fait partie de la vie, Qu'on peut intégrer la mort dans la vie, alors la vie serait plus belle, parce qu'elle inclurait ce contraste et cette dimension. Je ne dis pas qu'on doit mourir! Vis jusqu'à cent ans, mais vis avec la conscience que ta vie et ta mort ne sont qu'une seule et même chose.

Qui parle de la mort? Aujourd'hui, parler de la mort est tabou, comme parler de sexe à une certaine époque. Au XIXe siècle, on ne parlait pas de sexe à table. Aujourd'hui, on en parle à table. Mais on ne veut plus rien savoir sur la mort.

Tu vois, tous ce que je dis tu conduis vers quelque chose qui est ma seule vraie contribution, je crois : regarder le monde autrement. Regarde-le avec tes yeux, avec des yeux plus sensibles. Il est là, merveilleux. Nous, au contraire, nous le regardons tous de la même façon, et nous le regardons de plus en plus à travers ces maudits instruments technologiques. Nous ne regardons plus le monde tel qu'il est, et nous ne le regardons plus avec nos yeux.

 Page 518

 Se retirer du monde

Je reconnais que j'ai eu énormément de chance dans ma vie. Je suis un homme extrêmement chanceux. J'ai reçu une part de chance certainement plus grande que la moyenne. J'ai réussi à jouer mon rôle comme il faut ; je peux employer des expressions comme « J'ai eu du succès dans ma vie », succès dans mon mariage. J'ai vécu quarante-sept ans avec ta mère! Personne ne s'est enfui, personne ne s'est envolé avec une danseuse brésilienne ou un pirate malais, même si les tentations... Je ne veux pas dire qu'il n'y en a pas eu, au contraire, et c'est ça qui est beau. Dans mon métier, j'ai fait tout ce que j'ai pu. J'ai écrit pour la des plus grands journaux du monde. Bon, d'accord, j'ai écrit des livres (1), dans certains ont été lu par des milliers de personnes. Tout ce que j'ai fait ma donner une base qui m'a permis de clore le chapitre de ce monde. Je dois avouer en toute sincérité que, si je devais partir aujourd'hui, et si ma famille était totalement décomposée, que personne n'avait lu mes livres et que je n'avais jamais obtenu la moindre reconnaissance pour un travail que j'ai essayé de faire correctement, alors peut-être éprouverais-je quelques regrets. Mais ces regrets, je ne les éprouve pas.

C'est grâce a tout ce que j'ai fait que j'ai pu vivre le troisième stade de mon existence. Tu sais, j'ai eu deux grands cadeaux dans ma vie : le cancer et la retraite, qui sont arrivés au même moment. Et c'est alors que j'ai laissé le monde. Le cœur très léger, j'ai quitté le journalisme, mes amis, la société, je suis allé vivre dans un ashram avec ce maître, le Swami (2), qui m'enseignait non seulement le sanskrit, mais également le sens de la philosophie indienne, religieuse si tu veux. Tu sais, quand on lit pour la première fois le deuxième chapitre de la Bhagavad-Gîta, ou le neuvième : quand on commence à se rendre compte qu'on n’a besoin de rien… Je mangeais leurs bouillie dans des auges à cochons, en chantant les verts du quinzième chapitre : « Je suis le feu vital dans le corps de tout ce qui respire. Uni aux souffles, c'est moi qui résorbe les aliments. » Ahhh, je n’étais plus moi!

 

Pages 480-481

Unknown

Notes :

 

(1) Du même auteur :

La Chute de Saïgon : 30 Avril 1970, Fayard, 1975

Un devin m'a dit, Maisonneuve et larose, 1997

Lettres contre la guerre, Liana Levi, 2002

India Notes, photographies Raghu Rai, choix des textes Armand de Saint-Sauveur, Intervalles, 2007

 (1) Swami Dayananda Saraswati.

 

Pour en savoir plus sur l'auteur :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tiziano_Terzani

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