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Roland dans tous ses états
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Roland dans tous ses états
14 février 2010

Elle et Lui (= Lui sans Elle)

Très curieux, le fait que sans le savoir, sans le vouloir, j'ai écrit ce texte quasiment à la même date mais à deux années d'intervalle d'un texte "Lui et Elle" sur la même relation entre les mêmes personnages...

Elle et Lui (= Lui sans Elle)

Il s'était pris à croire qu'elle était son âme sæur. Il pensait par là qu'il avait rencontré quelqu'un avec qui il pouvait partager une certain nombre de choses qui étaient jusqu'alors restées étrangères à sa compagne. C'était comme un frère ou une sæur avec qui il pouvait faire vivre le plaisir d'une lecture, d'un disque, d'un interprète ou d'une chanteuse moderne, chose à quoi sa compagne était peu encline parce que peu intéressée. C'était croyait-il vivre une relation sur un autre plan qu'avec celle-ci, c'était vivre autre chose, quelque chose de mal définissable du temps où il crut que cela vivait, amis quelque chose - disons  : de complémentaire. Quelque chose à vivre avant de le définir. A inventer.

Le problème, ce fut qu'Elle était femme, ce fut qu'elle était jeune, ce fut qu'elle pouvait être désirable.

Il y avait de la vie dans ce qu'elle lui apportait, comme un renouveau de ce qu'il avait découvert lorsque âgé de dix-huit ans, après qu'il eut quitté le domicile parental, et qu'il avait alors partagé la vie de quelques jeunes gens, qui, devenant ses amis, lui avaient montré et appris à aimer ce qui constituait leur culture et qui était vite devenue la sienne, il avait déjà  ressenti comme un appel d'air, comme une aspiration vers un azur aux confins indéfinis et plein de possibles illimités.

Ce furent des moments où il se sentit moins condamné à rester emmuré à l'intérieur de lui-même.

Oui, pour cela comme pour tout il y eut un prix à payer. De même qu'il avait accepté le prix à payer à ses amis d'autrefois : jamais il ne devait contester leur autorité, sous peine d'exclusion. C'est évidemment ce qui avait fini par l'éloigner d'eux. Mais il ne s'en était jamais vraiment remis, jetant de temps à autre des bouteilles à la mer de leur indifférente existence dans le but avéré en fin de compte illusoire d'obtenir de leur part un signe de reconnaissance - Oui, tu es ce que tu es, mais nous reconnaissons que tu as le droit d'être différent de nous et nous te donnons notre amour tout de même.

Pour eux comme pour Elle la différence fut impensable, inacceptable, intolérable. Eux, mus sans doute par leurs origines corses et leur adhésion au parti communiste, ne supportèrent pas à terme qu'il se situât aux confins de leur clan, au limes de leur monde tel que celui-ci était à eux construit.

Elle, de la même façon, ne put admettre qu'il ne se comportât pas selon ses volontés. Et même lorsqu'il se perdit – parce qu'Elle était femme, parce qu'elle était jeune, parce qu'elle savait être désirable - en s'appliquant à calquer son par-être sur ce qu'il croyait interpréter de ce qu'elle exigeait de lui, - parce qu'il était homme au désir ranimé, parce qu'il n'avait jamais eu la relation d'un père à une fille, parce qu'il était niais - , aucune fois il ne vit ses actions agréées, et plus il s'enfonça dans la conformité par elle requise, moins elle ne le reconnut en tant que Personne.

De sorte que ce fut elle, la Princesse des Ours, qui l'exécuta, sans lui avoir jamais accordé quelque point de valeur, irritée sans doute de ne point l'avoir pu posséder tout entier, tout entier à sa guise, dans son désir de totale possession.

Et pourtant, elle y avait employé tous les moyens dont elle disposait...

Il se vit ainsi devenir du premier le dernier ; de L'homme de ma vie à Un mauvais personnage.

Sic transit gloria mundi, pourrait-il conclure en guise de pirouette. Sourire grimaçant.

Non : cela ne sied point à ce qui fut un drame.

*

"J’aurais voulu parler de cela sans image

Des amis des amours de ce qu’il en advint

D’un bout à l’autre de la nuit et de nous-mêmes

Les yeux perdus le coeur battant la tête en feu

Pris à notre propre mystère

Battus à notre propre jeu

C’était vrai j’étais en ce temps-là profondément ignorant

Il y avait tant de grands mots que je ne savais lesquels croire

Si je tourne mes yeux vers ces heures premières

Je ne reconnais plus à leurs gestes déments

Ceux que nous fûmes un moment

Si je tourne mes yeux vers ces heures premières

Je ne reconnais plus à leurs gestes déments

Ceux que nous fûmes un moment

A reculons j’ai regardé s’enfuir ma reine blanche et noire

Comme un faucheur qui laisse derrière lui les foins et la faux

Et je m’efforce de mieux comprendre hier de mes yeux d’aujourd’hui

O femme notre cœur en lambeaux si quelque chose en doit survivre

Faut-il que cela soit comme une fleur séchée au fond d’un livre

Laissez-moi La tourmente des phrases fait voler des bouts de papier

griffonnés des sortes de papillons noirs et bruns les vestiges

une écriture déchirée

On se refuse longuement

De n’être rien pour qui l’on aime

Pour autrui rien rien par soi-même

Nous avions joué de notre âme

Un long jour une courte nuit

Puis au matin bonsoir Madame"

(montage d'après Louis Aragon, Le roman inachevé)

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Commentaires
C
Tu n'as pas l'air d'avoir le moral Roland, sinon très beau à lire.<br /> canelle
Répondre
M
Toi aussi tu écris bien quand tu t'y mets dis donc ! T'as rien à m'envier, c'est le style et la personne qui diffèrent seulement<br /> Bonne soirée
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