Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Roland dans tous ses états
Newsletter
9 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 268 945
Archives
Derniers commentaires
Roland dans tous ses états
15 mai 2008

Voir sans voir son visage

JEAN-LUC PARANT

AUTOPORTRAIT

explosion

LITTERATURE

EDITIONS DE LA DIFFERENCE

EXTRAITS

                        Je lève les yeux vers le haut de ma tête, mais je ne vois que le ciel.

Je ne vois pas mon visage, je ne vois rien de mon visage, comme si une main le recouvrait et que cette main cachait mon visage pour que je puisse voir le monde devant moi, comme le soleil se cache avec la main pour que sa lumière n’éblouisse pas ;

Je vois parce que je ne vois pas mes yeux. Je vois à partir de cette nuit dont le soleil me recouvre le visage et les yeux pour m’éclairer le monde.

Je vois mais je ne vois pas mes yeux parce que mes yeux sont des ouvertures par lesquelles s’engouffre l’univers tout entier.

Je ne vois pas mon visage, je ne vois rien de mon visage, comme s’il fallait que je ne le voie pas pour être le seul homme sur la terre à ne pas le voir.

Je ne vois de mon visage que le bout de mon nez, comme si l’infime vision que j’ai de lui me cachait une infinie partie du monde.

DSCF5382

Je ne pourrai jamais me tourner vers mon visage, je ne pourrai jamais me tourner vers mes yeux car mes yeux s’engloutiraient en eux, je glisserais derrière eux, je tomberais en moi dans la nuit sans fin. Je ne pourrai jamais me tourner vers mes yeux car ce serait me détourner du monde et de sa lumière, ce serait me mettre dos à la terre et au ciel, ce serait être face au vide infini.

Comme si mes yeux que je ne peux pas voir représentaient ce que je ne peux pas voir des visages et des yeux que je vois, ce que je ne pourrai jamais voir des visages que je vois et des yeux qui me regardent.

Comme si mon visage et mes yeux que je ne vois pas représentaient le fond, l’intérieur, l’essence même de tous les visages te de tous les yeux que je vois.

Faire mon autoportrait ce n’est pas reproduire mon visage que je vois dans un miroir. Faire mon autoportrait c’est représenter ce que moi-même je vois de moi-même, c’est représenter ce que devant moi je vois de moi, le monde que je suis seul à voir, que je suis seul à voir comme je le vois devant moi, le monde que je suis seul à voir, que je suis seul à voir comme je le vois de l’endroit où je suis, de l’endroit où je suis seul à habiter sur la terre et d’où je vois le monde comme aucun autre ne le voit.

Je ne verrai jamais ce que voient les hommes qui m’entourent car je ne verrai jamais ce qu’ils voient devant eux quand ils me voient. Les hommes qui me regardent voient ce que je ne vois pas de moi-même, comme ils ne voient pas ce que je vois d’eux. Les hommes devant moi voient ce que je ne vois pas et ne voient pas ce que je vois. Comme si nous étions chacun à un endroit où aucun autre ne peut être.

Quand je vois mes yeux dans un miroir je sors de moi. Quand je vois mes yeux dans un miroir je m’expulse de l’univers, je fais un pas infini dans l’infini.

Publicité
Publicité
Commentaires
M
reflexion intéressante, presque dérangeante, mais si passionnante!
Répondre
Publicité