Villa Amalia, Pascal Quignard
Etrange état où le corps s'éloigne légèrement de lui-même. Où tout s'assèche dans le monde interne. Où la lucidité ou du moins le vide commence à se mouvoir dans l'espace du crâne. Où, si la souffrance persiste, elle fait moins souffrir. Où au moins la souffrance fait souffrir d'un peu plus loin qu'à partir du corps lui-même.
Car la vie entre les femmes et les hommes est un orage perpétuel. L'air entre leurs visage est plus intense - plus hostile, plus fulgurant - qu'entre les arbres ou les pierres. Parfois, de rares fois, de belles fois, la foudre tombe vraiment, tue vraiment. C'est l'amour.
Quelquefois le chagrin n'est guéri par aucun moyen. Le temps qui passe l'amplifie.[...] Il faut que l'âme se tourne vers la souffrance, il est pour ainsi dire nécessaire qu'elle la subisse front à front, lui offre son temps, son abîme, sa détresse. Il faut qu'elle l'attire hors du corps. Il faut qu'elle la nourrrisse d'autre chose que soi. Il faut la tenter, lui lancer un appât, sacrifier un objet vers elle comme s'il s'agissait d'un être.